Elections municipales en Uruguay Lettre de mon père
Une lettre que mon père a envoyé à un ami, et dont il m’a envoyé copie et autorisé publier ici.
Comme tu le sais, les élections municipales ont confirmé le FA [1] comme première force politique du Pays. D’un pays enfoncé dans la régression depuis plusieurs décennies, crise de l’économie, crise de la santé, de l’éducation, où la concentration de la richesse et l’expansion de la pauvreté ont pulvérisé la « mesocratie » de la tradition batlliste [2]. Écrasé pas les intérêts de la dette externe et la diaspora des jeunes, avec une pyramide des âges qui ressemble plus à celles d’Europe que d’Amérique Latine. Cet héritage de désespoirs, c’est ce qu’hérite le FA, et cela rend un peu moins euphémistique le slogan « Un espoir est né » que nous répétons tous avec un sourire parfois frais, parfois de méfiance.
Héritage de corruption et de clientélisme qui est un des premiers volets que les nouvelles administrations devront redresser.
Huit municipalités [3], qui réunissent plus des 3/4 de la population uruguayenne, ont été gagnées. Paysandú, avec Leandro Gomez, Montevideo avec Erhlich, Marquitos Carámbula à Canelones y un peintre « bolche » [4] d’origine ouvrière et jeune, a remporté Maldonado, le département vitrine du pays [5]. Tous les amis disent que c’est sans doute un un type de la trempe de Ricardo [6] y Marcos [7].
La conjoncture d’échanges commerciaux est meilleure que les années précédentes pour les viandes, le riz et le soja, et on annonce des records d’exportations. Développement durable pour le progrès social ? On verra au fur et à mesure. Comme nous serons aussi touchés par les déséquilibres mondiaux avec l’empire blessé et avec une monnaie maigre, c’est quelque chose qui échappe à mon entendement !
Le climat dans la rue est optimiste, le progrès dans les droits de l’homme, fouillant dans les casernes à la recherche de restes, les confessions de Contreras contre Pinochet, la dé-classification de documents argentins qui impliquent Borda y Blanco dans l’opération Condor et la mort de Zelmar et Gutierrez [8] sont sur le tapis et dans la presse. Le catholiscisme du chef [9] qui rend nerveux les laïques anticléricaux sont les titres de l’actualité politique la plus chaude.
Je me rappelle de ta proposition de de penser un dialogue sur le retour du religieux, ici et dans le monde. Comme tu vois, tout ceci mérite une longue lettre et mieux encore le partage d’un maté, une ou plusieures fois pour réfléchir ensemble aux affaires du « petit pays » et du monde. Ton conseil serait le bienvenu au sujet du vote sur la constitution européenne, décision qui s’annonce perilleuse.